Le rural: une crise sanitaire… pourquoi pas salutaire ?

Le rural: une crise sanitaire… pourquoi pas salutaire ?
Corse-Matin du dimanche 22 novembre 2020
Mardi 1er décembre 2020

Noël Kruslin & Isabelle Volpajola

Du village-refuge investi pendant le premier confinement à la révélation du télétravail, les enseignements de la crise du coronavirus ne font pas qu’assombrir l’horizon social. Un tournant favorable au monde rural y est notamment entrevu, mais la route est encore longue.


Paroles de maires ultraconnectés
I.V.

Don Marc Albertini, maire de Ghisoni et chef du service territoires et développement durable à EDF, est conscient que les villages du rural sont peut-être à un tournant de leur histoire. « La crise sanitaire a incontestablement généré de nouvelles manières de penser, de fonctionner, de travailler. Ce phénomène peut être une chance pour ramener des populations vers le rural et contribuer au repeuplement de nos petites communes. À Ghisoni, nous avons la chance d’avoir une antenne 4G depuis cette année. Avec l’Adsl +, ça donne un réseau plutôt performant, en attendant la fibre pour 2023. C’est la base de tout. Le confinement nous a fait prendre conscience de ce que représente le télétravail et ce qu’il peut apporter. Nous pouvons démontrer que ce n’est pas la peine d’être dans la Silicon Valley pour être performants. Pour nous, c’est une corde supplémentaire à notre arc, au-delà des atouts qui sont déjà les nôtres : le patrimoine, le potentiel nature, l’agriculture de montagne, l’attachement aux racines. En fait, pour pouvoir vivre au village et y travailler, il faut avant tout de bonnes infrastructures. Routières, numériques, téléphoniques, électriques. » Jean-François Poli est maire de Speloncatu et directeur des relations avec les collectivités locales chez Orange. Lui aussi est formel : la solution pour le rural passe par le numérique. « Nous avons la chance d’avoir un bon réseau de très haut débit qui nous a permis de créer un espace de coworking. Mais nous avons choisi d’y mettre les moyens et des outils très performants. Aujourd’hui, on peut travailler à Speloncato comme en plein Paris, à Nantes ou à Bordeaux. La crise sanitaire a accéléré le processus et nous avons vu débouler chez nous des personnes qui cherchaient à envoyer des fichiers très lourds ou des flux vidéos. Avec une salle hyper-connectée, une ambiance de startup, quand on arrive au coworking, on se croirait presque à la Nasa. Je plaisante mais le numérique est incontestablement un des leviers à actionner prioritairement pour nos communes du rural. Ce qui va nous permettre de fixer de la population. Je pense souvent que l’on peut réaliser le rêve de nos grands-parents de vivre et travailler au village. »

Opportunité, accélérateur ou déclic, ils sont revenus au village

ISABELLE VOLPAJOLA

Le coworking de la revitalisation
Des déclics, Pierre Ridolfi en a analysé quelques-uns. Créateur du coworking Imaginà Balagna, à Speloncatu, il a pu y mesurer les effets du confinement. Avec plusieurs bureaux et un open space pouvant accueillir 10 personnes, l’espace fonctionnait surtout avec des gens du village. Et l’été avec ceux qui y revenaient en vacances. Lors du premier confinement, jusqu’à 30 personnes se sont retrouvées là. Avec des profils très variés : une notaire, un ingénieur en traction animale, un trader, des étudiants, tous ont profité de la manne offerte. Depuis, le rythme n’a plus jamais ralenti. Certains viennent des autres communes de Balagne, d’autres s’y sont même implantés en raison de la présence de la structure, d’autres enfin sont installés sur le continent et sont venus se confiner à Speloncatu. « La plupart de ces personnes pourraient être en télétravail de chez elles. Si elles viennent ici, c’est pour se retrouver dans un univers professionnel, dans une ambiance de bureau, là où elles peuvent échanger autour d’un café ou d’un repas partagé. L’objectif de ce coworking, c’est aussi de ramener de la vie au village. C’est un concept que l’on devrait multiplier dans des communes comme la nôtre. Cela donnerait à des actifs, dont le métier le permet, l’opportunité de s’installer dans leurs villages, de participer à leur revitalisation. » A Speloncatu, l’expérience est déjà concluante. Le restaurant, auparavant saisonnier, est désormais ouvert à l’année. Tout un symbole.

 

 

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